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La revanche des villes moyennes

LE PARISIEN

Économie

TENDANCE PRES D’UN QUART DES ACTIFS HABITANT DES GRANDES VILLES SOUHAITE CHANGER DE VIE. ET, SURPRISE, LA MOITIE D’ENTRE EUX ENVISAGERAIT DE SE REPLIER SUR UNE VILLE DE MOINS DE 100 000 HABITANTS.

EUX SEMBLENT BIEN DÉCIDÉS à changer de vie. Selon la dernière édition du Baromètre des territoires, réalisée cette année par l’Ifop après le déconfinement, 23 % des actifs habitant des grandes villes envisageraient de déménager. Et, à la question de savoir où ils pourraient vivre idéalement, 50 % des habitants des grandes villes répondent vouloir habiter en priorité dans une ville moyenne (entre 10 000 et 100 000 habitants).

Elle, cela ne l’étonne pas. « Les Français ont l’air de redécouvrir les atouts de ces villes moyennes, commente Caroline Cayeux, présidente de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et maire de Beauvais. Or, cette étude est juste la confirmation d’une tendance qui se manifestait déjà avant le printemps. Nous avions remarqué que nos villes moyennes commençaient à regagner des habitants. Une ville comme Beauvais (56 000 habitants) en a gagné 1 800 entre 2014 et 2018. Ce n’est pas sans raison. » En effet, ces villes, à l’instar de Marmande (Lot-et-Garonne), ont clairement des atouts à faire valoir.

Un palmarès parfois surprenant

Fin juin, cette agréable sous-préfecture (18 000 habitants) organisait l’opération « Le Val de Garonne s’offre aux Parisiens ». « Venez avec votre CV, vos projets, vos rêves », suggérait Daniel Benquet, alors maire et ambassadeur d’une ville située à moins d’une heure de Bordeaux et moins de trois heures de Paris. Les candidats retenus ont été invités à visiter la région, mais surtout à découvrir des dispositifs d’implantation d’entreprise ainsi que des offres d’emploi sur les marchés de l’agroalimentaire, de l’aéronautique et de la mécanique.

Selon la Direction générale des collectivités locales, la France compte quelque 930 villes moyennes. L’an dernier, France Attractive en a sélectionné une cinquantaine, parmi les plus connues, pour établir un palmarès des villes où il fait bon s’installer et travailler. Figuraient sur le podium La Rochelle, suivie de Pau et Angoulême. Loin de certaines idées reçues, Calais se plaçait en bonne quatrième position en raison de sa situation géographique – à 30 minutes de Lille, 1 h 30 de Paris et 1 heure de Londres mais aussi du développement de la fibre et de tiers-lieux ultra-connectés.

Le retour des industries

« Partout en France, cette revanche des communes moyennes est aussi le fruit de programmes comme Cœur de ville, dédiés à la relance des commerces et à la revitalisation des centres-villes, ajoute Caroline Cayeux. Des villes comme Beauvais, qui a accueilli récemment des usines d’Agio et MasseyFerguson, profitent de mouvements de réindustrialisation. C’est valable pour les Hauts-de-France, mais il y a un dynamisme similaire dans des communes comme Bourg-en-Bresse, en Auvergne-Rhône-Alpes, ou à Albi, en Occitanie. »

Le déclic du déconfinement

Ces migrations ont été récemment confirmées par l’Agence nationale de la cohésion des territoires à travers des retours de notaires, partout en France, qui observent l’arrivée de nouveaux profils en provenance de grosses villes. « Pour beaucoup, le télétravail pendant le confinement a été une révélation, conclut Caroline Cayeux. Nombre de salariés ou d’entrepreneurs sont maintenant prêts à sauter le pas et à choisir ces villes à taille humaine et à la campagne dotées aujourd’hui de tous les services nécessaires… ».

Un soutien à chaque étape

TERRITOIRES AVOIR DEJA UNE DESTINATION EN TETE OU SAISIR LES OPPORTUNITES ? DES DISPOSITIFS REGIONAUX PEUVENT PESER DANS LA DECISION.

VOILÀ QUI POURRAIT se résumer à… l’embarras du choix : selon le dernier Baromètre des économies régionales publié par l’institut Odoxa en 2019, 65 % des Français trouvent que leur région est favorable à la création d’entreprise. En dehors de l’Ile-de-France, les habitants les plus positifs sur leur territoire sont ceux des Pays de la Loire (67 %), d’Auvergne-Rhône-Alpes (64 %), de Bretagne (62 %), du Grand-Est et de Nouvelle Aquitaine (51 %). « Loin de ce que l’on peut entendre à Paris sur les territoires périphériques, relégués ou enclavés, aucun territoire n’apparaît économiquement rédhibitoire, contrairement aux décennies passées avec leur lot de sinistres puis de friches industrielles, commente Bertrand

Thimonier, président d’Adviso Partner, une société de conseil aux entreprises partenaire de l’étude. Je me félicite de constater que l’envie d’entreprendre est forte et se manifeste de manière équilibrée partout, ce qui est une très bonne nouvelle pour l’innovation, la croissance et l’emploi.» Car, si l’envie est là, les aides sont aussi au rendez-vous. « Il y a différentes façons d’identifier une région, observe Laurence Piganeau, responsable éditoriale du site Bpifrance Création, experte dans le financement des projets. Même si on a déjà des envies ou des attaches, il est toujours intéressant d’élargir ses horizons avant de partir. »

Se faire accompagner

Tout dépendra aussi du scénario envisagé. Si un candidat souhaite quitter Paris pour reprendre une entreprise, il pourra notamment consulter la Bourse de transmission de la Banque publique d’investissement. « Parfois, c’est une opportunité à saisir qui déterminera le territoire choisi, commente Laurence Piganeau. Mais, si l’on porte un autre projet entrepreneurial, il y a aussi et surtout des collectivités, des régions et des territoires qui mènent des politiques spécifiques pour attirer des entreprises, par exemple “Aucun territoire n’apparaît économiquement rédhibitoire » Bertrand Thimonier, Adviso Partner

Dans certains secteurs comme le bio, l’innovation ou le tourisme. D’une région à l’autre, il faut vraiment se renseigner. » Bien qu’elle soit davantage spécialisée dans l’accompagnement de projets innovants liés à la French Tech, Bpifrance propose sur son site le service « Qui peut m’accompagner ? » pour orienter les candidats vers les organismes compétents. Bpifrance rappelle aussi qu’elle peut soutenir tout projet grâce à son service de garantie bancaire. « Le conseil, en général, est de ne pas partir seul, résume Laurence Piganeau. Au-delà des aides financières, il est toujours intéressant de rencontrer l’écosystème local avant de se lancer. »

Regarder les aides

Qu’il s’agisse d’organismes publics (chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat) ou d’associations comme l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique), les accompagnements locaux sont nombreux pour soutenir les entrepreneurs. Les concours (lire témoignage ci-dessous) peuvent également être une source de moyens et de financement de leur projet. Côté bancaire, les prêts d’honneur, sollicitables notamment auprès des réseaux Initiative France et Entreprendre peuvent apporter un appui solide au financement. Autre piste, des organismes comme France Active proposent des garanties bancaires pour éviter le recours à des cautions personnelles. Du projet à sa réalisation, les entrepreneurs peuvent trouver en région un soutien à chacune des étapes.