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FLORENCE LUSTMAN

Portrait de la présidente de la Fédération française de l’assurance (FFA)

L'actuariel 36

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Femme de tête, élue à la présidence la Fédération française de l’assurance (FFA), Florence Lustman ambitionne de replacer l’assurance au cœur de l’innovation et des grands débats de société.

 

1980 : Diplômée de Polytechnique, puis de l’IEP de Paris et membre de l’Institut des actuaires (CEA) en 1990

2000 : Direction de la Commission de contrôle des assurances

2007 : Inspection des finances de Bercy, chargée du pilotage interministériel du plan Alzheimer

2014 : Directrice financière et des affaires publiques de La Banque postale

2019 : Présidente de la Fédération française de l’assurance (FFA)


C’est un mouton à cinq pattes qui a permis aux différentes familles de l’assurance (sociétés anonymes, assureurs mutualistes et bancassureurs) d’oublier leurs dissensions. Aussi à l’aise dans le monde financier que dans celui de la haute administration, Florence Lustman, 58 ans, a été élue présidente du lobby du secteur, la Fédération française de l’assurance (FFA), à l’unanimité de ses 266 membres, le 18 juin 2019. Après une période de transition avec son prédécesseur ­Bernard Spitz, cette femme de tête, d’abord simple et pragmatique, a pris en octobre les rênes de la fédération. Depuis, c’est dans un style franc et carré que la polytechnicienne et actuaire qualifiée IA imprime sa marque. « Florence est quelqu’un de très engagé avec beaucoup d’énergie à revendre. Elle vise toujours l’excellence, avance Thierry Martel, le patron de Groupama, qui la connaît depuis trente ans. Ce que je découvre aujourd’hui, c’est sa capacité à animer un collectif. Elle s’est mise au service de la profession et cherche toujours à rassembler. »
C’est un chasseur de tête qui a convaincu Florence Lustman de postuler pour la présidence de la FFA. Pourtant, quitter le poste de directrice financière et des affaires publiques de La Banque postale alors que la fusion avec la CNP se profilait n’avait rien d’évident. Mais cette grande sportive, pratiquant aussi bien le tennis que le yoga, avait de bonnes raisons de répondre à ce nouveau défi. « Je suis heureuse de retrouver l’assurance, un milieu profondément en lien avec tous les sujets sociétaux, mais qui est aussi, avec les data, au cœur de l’innovation, avance-t-elle. J’ai contrôlé pendant vingt ans les assureurs. Je les connais bien et j’apprécie leur côté visionnaire. »
Florence Lustman a noué de longue date une histoire avec l’assurance. À la sortie de l’X, en 1980, la jeune ingénieure opte pour le corps du contrôle des assureurs. La native d’Évreux complète sa formation de commissaire contrôleur sur les bancs de Sciences Po, de l’Institut des actuaires et des Arts et Métiers. Une année de « Tournée » – les missions de contrôle selon le vocabulaire maison –, à l’inspection des finances à Bercy, achève ce solide cursus.

Technique et intérêt général

Pendant vingt ans, Florence Lustman gravit les échelons des institutions de contrôle du secteur, jusqu’à en prendre la tête à moins de quarante ans. Secrétaire générale de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (Acam), fondue depuis dans l’ACPR, de 2000 à 2007, elle s’implique dans les négociations à Bruxelles autour des normes Solvabilité II. Ce parcours a séduit les patrons actuels de l’assurance. « Nous avons choisi de ne plus miser sur un profil de lobbyiste, mais sur une personnalité qui maîtrise parfaitement la technique assurantielle », avait confié lors de son élection à la FFA Thierry Martel. De cette époque, Florence Lustman a gardé une grande sensibilité à la question de la promotion des femmes. « Je crois que la fonction publique avait un coup d’avance sur les questions d’égalité hommes-femmes. Quand je dirigeais l’instance de contrôle des assurances, mon équivalent pour le secteur bancaire était Danielle Nouy. Souvent, dans les grands raouts financiers, nous nous retrouvions les seules femmes au milieu des costumes gris », se rappelle-t-elle. Mère de deux jeunes trentenaires, dont une fille polytechnicienne qui travaille sur les données, Florence Lustman se préoccupe de la désaffection des jeunes filles pour les études scientifiques, alors même que la technique va de plus en plus modeler la vie quotidienne des citoyens.
Le quotidien des Français, l’ingénieure a justement eu l’occasion de s’y pencher : sous la présidence Sarkozy, elle est chargée de mettre en musique le plan Alzheimer. « Le pilotage du plan Alzheimer a été l’une des plus belles missions de ma vie professionnelle, s’enthousiasme-t-elle. En quelques années, j’ai assisté à un véritable décollage de la recherche française sur les maladies neurodégénératives. Toutes nos décisions étaient prises avec, en toile de fond, un volet éthique essentiel, celui de l’accès à la volonté du patient. J’ai rencontré à cette époque des personnes dans le milieu médical d’une grande profondeur humaine. »

Un virage dans la continuité

Le lien entre contrôle des assureurs et plan Alzheimer n’est pas évident à première vue. Dans le cas de Florence Lustman, cela s’explique par son souhait, après vingt ans dans les instances de contrôle des assureurs, de bifurquer vers le privé. Une telle réorientation demandait un peu d’organisation, afin de respecter le sas de cinq ans exigé, à l’époque, par les règles de déontologie avant qu’un contrôleur rejoigne une entreprise du secteur. Pour occuper ces années, l’ingénieure a alors l’idée de retrouver une institution qu’elle avait connue toute jeune : la prestigieuse inspection des finances de Bercy. Elle intègre le corps en 2007, planche un an sur la recherche et l’enseignement supérieur avant de bifurquer vers le plan Alzheimer, puis la Banque postale. Florence Lustman l’assure, à l’exception de sa décision, à 45 ans, d’aller dans le privé, elle n’a jamais fait de plan de carrière. Elle s’est contentée de répondre à des sollicitations, construisant au fil de ces rencontres, pas à pas, le parcours qui a su enthousiasmer les assureurs.