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MIE ou l’émergence de supra-prédateurs

Les maladies infectieuses émergentes sont en grande majorité causées par les virus.

L'actuariel 37

Data Environnement

Selon l’Office international des épizooties (OIE*), les maladies émergentes sont des « infections nouvelles, causées par l’évolution ou la modification d’un agent pathogène ou d’un parasite existant ». Le caractère « nouveau » des maladies infectieuses émergentes (MIE) peut se traduire par un changement d’hôtes, de vecteur, de pathogénicité ou de souche.

Le principe d’émergence recouvre pour les MIE plusieurs réalités : une MIE peut être un syndrome qui associe de façon originale des causes et des symptômes non observés jusqu’alors, maladie nouvelle stricto sensu, mais elle peut être aussi une affection qui n’a encore jamais été identifiée dans une zone géographique ou un environnement humain donné, qui réapparaît là où elle avait disparu ou dans un environnement nouveau. Enfin, une MIE peut être une affection connue, mais dont l’origine est nouvellement décrite.

Zoonose

Alors qu’il a longtemps été considéré que la barrière entre les espèces constituait une protection pour les êtres humains face aux germes qui circulaient parmi les animaux, nous constatons que la plupart des virus décrits ces dernières années et impliqués dans des épidémies humaines ont fait intervenir des animaux sauvages ou domestiques dans leur cycle. Les virus qui présentent la particularité d’avoir franchi la barrière d’espèce et de passer naturellement de l’animal à l’homme sont nommés zoonoses. Le terme couvre les zoo-anthroponoses (transmission de l’homme à l’animal) et les anthropozoonoses (transmission de l’animal à l’homme).

 

Parmi les 1 400 parasites répertoriés à ce jour comme étant à l’origine de pathologies humaines, sont distingués :

  • LES BACTÉRIES (+ ou – 500),
  • LES MYCÈTES (champignons, + ou – 300),
  • LES HELMINTHES (vers, + ou – 300),
  • LES VIRUS (+ ou – 200),
  • LES PROTOZOAIRES (+ ou – 50),
  • auxquels il convient d’ajouter au moins 4 PRIONS.

BIEN QU’ILS NE REPRÉSENTENT QUE 1 PARASITE SUR 7, LES VIRUS SONT LA CAUSE DE LA GRANDE MAJORITÉ DES MIE.
Ils disposent d’une capacité d’évolution très élevée qui leur permet de s’adapter rapidement à un nouvel environnement et également à leurs hôtes. À la base de l’émergence, il y a donc souvent l’apparition d’un nouveau variant microbien, un mutant dont les propriétés lui permettent de se propager. Un des exemples classiques d’une telle émergence évolutive est celui lié à l’épidémie du virus du chikungunya à la Réunion en 2004-2006. Son ampleur a en effet été liée à l’émergence d’un variant mutant du virus, possédant un acide aminé différent qui lui conférait une meilleure adaptation au vecteur AEDES ALBOPICTUS…

Le moustique tigre

Transmission, vecteurs et véhicules…

Endémie, épidémie, pandémie… ces termes désignent l’expansion d’une maladie sur des territoires plus ou moins vastes. Cette expansion est portée par des modes de propagation différents et spécifiques à chaque agent infectieux. La contagion s’effectue par contact physique direct (entre un sujet-support infecté et une personne saine) ou indirect, soit à travers un vecteur (en général animal, arthropodes mais également mammifères, oiseaux, poissons…) soit par l’intermédiaire d’un véhicule (généralement l’eau ou un aliment contaminé). Certains virus peuvent utiliser plusieurs modes de propagation.

20 MIE parmi les plus préoccupantes selon l’OMS

  • Chikungunya : Virus – 1952 – Vectoriel arthropode moustique.
  • Fièvre du Nil occidental : Virus – 1937 – Vectoriel arthropode moustique.
  • Sras : Virus – 2002 – Physique.
  • Ebola : Virus – 1976 – Physique.
  • Marburg : Virus – 1967 – Physique.
  • Fièvre de la vallée du Rift : Virus – 1913 – Vectoriel arthropode moustique.
  • H1N1 : Virus – 1918 / 2009 – Physique.
  • Maladie de Lyme : Bactérie – 1977 – Vectoriel acariens.
  • Sida : Virus – 1981 – Physique.
  • Dengue : Virus – 1907 – Vectoriel arthropode moustique.
  • Fièvre jaune : Virus – 1927 – Vectoriel arthropode moustique.
  • Fièvre de Lassa : Virus – 1969 – Véhicule nourriture.
  • Zika : Virus – 1947 – Vectoriel et physique
  • Virus Hantaan : Virus – 1977 – Vectoriel mammifère rongeur.
  • Fièvre sévère avec thrombocytopénie : Virus – 2009 – Vectoriel arthropode et mammifères.
  • Maladie de Creutzfeldt-Jakob : Prion – 1997 – Véhicule nourriture.
  • Ulcère de Buruli : Bactérie – 1960 (?) – Vectoriel arthropode.
  • Encéphalite japonaise : Virus – Vectoriel arthropode moustique.
  • Fièvre hémorragique de Crimée-Congo : Virus – 1956 / 1969 – Vectoriel arthropode moustique.
  • Fièvre hémorragique d’Omsk : Virus – 1948 – Vectoriel arthropode et mammifères.

10 causes
et facteurs

  1. Changements d’usage des sols, procédés liés à l’agriculture agricole intensive et aux pratiques agronomiques.
  2. Démographie, modification des comportements sociétaux et concentration urbaine.
  3. Aménagement du territoire et grands travaux.
  4. Mondialisation des échanges de biens et de personnes.
  5. Déplacements forcés de populations, précarité des conditions sanitaires.
  6. Changement climatique, manifestations météorologiques exceptionnelles, catastrophes naturelles.
  7. Altération des écosystèmes, érosion de la biodiversité.
  8. Erreurs de soins, mauvaises pratiques hospitalières et médicales, maladies nosocomiales.
  9. Évolution et mutations des agents pathogènes, multiplication des hôtes réservoirs.
  10. Détérioration des installations sanitaires et d’assainissement.

DÉFINITIONS

ARBOVIRUS : Virus transmis par les arthropodes (en particulier les tiques et les moustiques). Ils font intervenir des cycles complexes avec la participation de différents réservoirs ou hôtes amplificateurs.
RÉSERVOIR & AMPLIFICATEUR: En épidémiologie, en éco-épidémiologie ou en infectiologie, une espèce réservoir désigne une espèce qui participe au cycle de reproduction d’un agent pathogène en multipliant suffisamment une charge infectieuse ou parasitaire pour que celle-ci devienne transmissible.
« CUL-DE-SAC ÉPIDÉMIOLOGIQUE » (ou impasse virologique) : désigne un hôte contractant la maladie mais chez lequel il n’y a pas assez de virus dans le sang pour que les vecteurs puissent propager l’infection à d’autres.
TRANSMISSION HORIZONTALE : se dit d’une infection lorsqu’elle se réalise par contact avec un individu infecté.
TRANSMISSION VERTICALE : se dit d’une infection lorsqu’elle se fait de parents à descendants par l’intermédiaire de la reproduction sexuée. Il s’agit d’une transmission biologique.
RÉASSORTIMENT : il s’agit de la capacité dont disposent certains virus de s’échanger leurs différents gènes, lors de l’infection d’un même hôte.
ÉCO-ÉPIDÉMIOLOGIE : discipline émergente, transversale aux domaines de l’écologie et de la médecine et plus particulièrement de l’épidémiologie, qui s’intéresse aux facteurs environnementaux exerçant une influence sur la transmission des maladies.

EN SAVOIR +

* L’Organisation mondiale de la santé animale, créée le 25 janvier 1924, est l’organisation intergouvernementale chargée d’améliorer la santé animale dans le monde. Les normes établies par l’OIE sont reconnues comme des références mondiales par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En 2018, l’OIE comptait 182 pays membres. L’OIE est notamment chargée de la collecte et des analyses de toutes les nouvelles informations scientifiques relatives à la lutte contre les maladies animales et, de ce fait, est l’un des acteurs essentiels de la veille et de la lutte contre les MIE.

Sources : Les Virus émergents, Jean-François Saluzzo, Pierre Vidal et Jean-Paul Gonzalez, IRD Éditions, 2004 – Association Sidaction – « Global trends in emerging infectious diseases », Kate E. Jones and al., Nature, 2008 – OMS – Institut Pasteur – C’est grave docteur Darwin ? L’évolution, les microbes et nous, Samuel Alizon, Éditions du Seuil, 2016 – « Les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes », rapport d’information sénatorial (collectif), 2012 – « Les maladies infectieuses émergentes : état de la situation et perspectives », Collectif Haut Conseil de la santé publique, 2011 – Facteurs et situations d’émergence inférence causale et causes des émergences, Jean-François Guégan, IRD, 2014 – Fondation pour la recherche sur la biodiversité : fondationbiodiversite.fr/modification-des-ecosystemes-et-zoonoses-dans-lanthropocene.