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Génération entrepreneuses

LE PARISIEN

Création & développement Innovation

PARCOURS EN FRANCE, TROIS DIRIGEANTS D’ENTREPRISE SUR DIX SONT DES FEMMES. EN RETRAIT DES HOMMES, ELLES REMPORTENT POURTANT DE BEAUX SUCCES ET OUVRENT LA VOIE A D’AUTRES.

ELLE EST AUJOURD’HUI l’une des figures emblématiques de l’entrepreneuriat féminin. En 2009, Céline Lazorthes lançait Leetchi, la première plate-forme Internet de collecte d’argent. Cédée en 2015 au Crédit mutuel Arkéa pour une valeur de 50 millions d’euros, la société spécialisée dans les cagnottes en ligne comptabilise aujourd’hui près d’une centaine de salariés en Europe. « Les débuts ont été diiciles, se souvient l’entrepreneuse. Quand je me suis lancée, je n’avais aucun point de comparaison. J’étais juste si sûre de ce projet et de sa raison d’être que j’ai foncé sans penser aux freins ! » Ils ont été nombreux, pourtant, elle en convient. « De par ma jeunesse et le fait d’être une femme, les banques ne me jugeaient pas très crédible. Heureusement, j’étais bien entourée et j’ai fini par croiser les bonnes personnes. » Le regard sur son projet change en effet quand elle parvient à réaliser une levée defondsauprèsdeXavierNiel notamment. Depuis, elle fait partie des entrepreneurs qui comptent.«Alors,aujourd’hui, si j’ai un message à adresser aux femmes, c’est de croire en elles… »

Des exemples à suivre, et des réseaux

28 % de femmes contre 39 % d’hommes en moyenne rêvent de devenir entrepreneur en France, selon le Baromètre sur l’entrepreneuriat féminin commandé par la maison Veuve Clicquot en 2019. Parmi les limites invoquées, 65 % des femmes aspirantes affirment être parfois dissuadées par la peur de l’échec. Et même si le nombre de femmes entrepreneuses en France augmente chaque année, elles ne représentent aujourd’hui que 27,2 % des dirigeants d’entreprise, selon Infogreffe (« Les femmes et l’entrepreneuriat en 2019 »). Toutefois, celles qui se lancent peuvent désormais compter sur une génération d’entrepreneuses qui ont ouvert la voie. « Céline Lazorthes était la marraine de ma promotion (NDLR : pôle universitaire Léonard de Vinci) et m’a inspirée », sourit Maylis Gross.

Cette entrepreneuse, cofondatrice de Gopened (visites virtuelles street view à l’intérieur d’établissements), a elle aussi fait face à certains préjugés. « Quand nous avons des rendez-vous avec des décideurs, j’observe encore que certains vont plus spontanément s’adresser à mon associé, qui est un homme, par exemple. » Mais pas question de lâcher l’affaire. Également responsable du préincubateur (structure d’accueil et d’accompagnement pédagogique) Devinci Startup au pôle universitaire Léonard de Vinci, Maylis Gross encourage volontiers les femmes à se lancer. « Un peu moins de 10 % des projets présentés sont portés par elles. Or, les temps changent : elles peuvent aussi profiter des réseaux féminins, en plus de tout l’écosystème d’aide à l’entrepreneuriat. »

Plus prudentes

L’entreprise Leetchi, plate-forme Internet de collecte d’argent, a été fondée en 2009 par Céline Lazorthes et compte aujourd’hui 12 millions d’utilisateurs. « Sans faire de cliché, les femmes sont un peu plus prudentes dans leurs projets », observe Rudy Deblaine, délégué général d’Initiative Ile-deFrance, structure organisatrice du concours Créatrices d’avenir, qui valorise et récompense l’entrepreneuriat féminin depuis environ dix ans. Cet expert note la sur–représentation des femmes dans les micro–entreprises. « Il faut les encourager à voir plus grand. Car en même temps, quand elles se lancent, elles sont souvent plus productives et plus solides. Il faut juste les aider à trouver le bon accompagnement. »

La place des femmes dans l’entrepreneuriat interroge aussi sur celle qu’elles ont dans la société. « Tout est corrélé, confirme Rudy Deblaine. Il ne s’agit pas d’opposer les uns aux autres mais d’accompagner les femmes à prendre la place qui leur revient. »

Comment se lancer ?

CONVAINCRE AU-DELA DES BELLES HISTOIRES, LES ENTREPRENEUSES PEINENT A ATTIRER LES fiNANCEMENTS ET LA CONfiANCE DANS LEURS PROJETS. QUELQUES CLES POUR Y ARRIVER.

« EN TANT QUE femme, on sent souvent que l’on est moins prise au sérieux, témoigne Agathe Nicole, fondatrice de WOÔ. Je préfère en sourire intérieurement et continuer d’aller de l’avant. » Sa start-up spécialisée dans l’influence digitale et le social media vient de réaliser une levée de fonds de 3 millions d’euros. « C’est le moment de se lancer, poursuit-elle. Je dirais même qu’être une femme m’a plutôt aidée dans ma levée de fonds. Les investisseurs sont habitués à voir beaucoup d’hommes et sont sensibles au besoin de davantage de diversité. Il y a peut-être une brèche sociétale dans laquelle s’engouffrer !… » Un enthousiasme que partage Cécile Joyeux. Lauréate du prix Talents des cités 2019, elle a lancé à Bayonne, fin 2018, le Spot du linge, un concept de laverie multifonction associée à des services. « Nous avons la chance, en France, d’être bien entourées, insiste-t-elle. Je me suis ainsi rendue dans des cafés dédiés à la création d’entreprise. J’ai été aidée par ma chambre de commerce. J’ai aussi été suivie par une remarquable association, Andere Nahia, au service des femmes qui veulent entreprendre dans ma région. Enfin, l’organisme France Active (NDLR : mouvement d’entrepreneurs engagés dans la finance solidaire) m’a aidée à obtenir la garantie de mon emprunt. »

Par où commencer ?

Pourtant, le chemin du financement n’est pas toujours simple pour se lancer. Tout dépend du projet, de l’activité, de la localisation et du profil de l’intéressée. Imène Maharzi, fondatrice d’OwnYourCash,plate-forme éducative destinée à former de nouveaux business angels, livre ses conseils, étape par étape, sur ces quelques questions essentielles :

  1. De combien de temps je dispose ? C’est avant tout une question de budget perso… Les créatrices d’entreprise se financent en grande partie sur leurs fonds personnels pour assurer leur quotidien au départ. Anticiper permet de prendre les bonnes décisions.
  2. Quels sont mes besoins ? Les frais de démarrage, de promotion, le coût des équipements… Pour évaluer les dépenses nécessaires, de nombreux réseaux de soutien à l’entrepreneuriat offrent une assistance gratuite, ainsi que les chambres de commerce. Pour les projets free-lance, le site Livementor.com permet de se former et de développer un projet à son image.
  3. Que faire pour débuter son activité ? C’est à la fois simple et… pas si simple ! A cette étape de la réflexion, il est temps de parler avec vos clients et de vous confronter à la réalité.
  4. Et le crowdfunding ? Il est doublement intéressant et nombre d’entrepreneuses l’ont bien compris : il donne de la visibilité au projet, tout en apportant un moyen de le financer en partie. Autre piste, l’Adie (l’Association pour le droit à l’initiative économique), qui propose des financements professionnels jusqu’à 10 000 €. Les aides régionales, comme PIE (Paris initiative entreprise), peuvent également aider à se lancer. Pour y voir plus clair parmi les nombreux dispositifs, le site Eldorado.co permet d’avoir rapidement une idée des aides adaptées à votre projet.
  5. Un dernier conseil ? Se rappeler que les premiers financeurs restent vos clients. Ce qui compte, c’est de vendre et de vous faire payer. Cela peut paraître accessoire, mais c’est pourtant vital pour votre projet… et pour votre portefeuille !