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DENIS KESSLER

ÉLU « INDUSTRY PERSONALITY OF THE YEAR 2008 » PAR LE JURY DES « WORLDWIDE REINSURANCE AWARDS » POUR SA CONTRIBUTION AU SECTEUR DE L’ASSURANCE ET DE LA REASSURANCE

L'actuariel 05

Argent Assurance Finance

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Quel est le rôle des assureurs et des réassureurs dans la tempête financière et économique que nous traversons ?

Denis KESSLER : Tout d’abord, un premier constat : l’assurance et la réassurance ne sont pas à l’origine de la crise. Un deuxième constat est qu’elles ont jusqu’à présent plutôt bien traversé la crise. Si l’on met de côté certaines activités pratiquées avant la crise par AIG (que Ben Bernanke a qualifié de « hedge fund réalisant parfois des activités d’assurance »), notre secteur n’a pas connu, comme le secteur bancaire, de difficultés  majeures. De fait, son exposition aux risques de contrepartie et de liquidité est beaucoup plus faible que celle des banques. Les gouvernements et les régulateurs devraient en tirer les conséquences appropriées dans le cadre du débat actuel sur les institutions financières systémiques (SIFIs) : les activités d’assurance et de réassurance ne sont pas systémiques. Bien au contraire, si on leur permet de jouer pleinement leur rôle sans être entravés par des régulations inadaptées, les assureurs ont une importante fonction stabilisatrice du fait de leur qualité d’investisseurs à long terme. Notre secteur est malheureusement en train de payer les conséquences de la crise, via les politiques monétaires qui sont actuellement mises en œuvre dans le but d’aider les banques. Ces politiques, qui entraînent une forte chute du rendement des actifs, sont particulièrement dommageables pour l’assurance-vie ou pour les branches longues d’assurance de biens et de responsabilités.

Quel est l’impact des nouvelles réglementations (Bâle 3, Solvabilité II) ?

Denis KESSLER : La crise a conduit à un renforcement de la régulation des institutions financières, avec Bâle 3 et Solvabilité II. Toutefois, la portée de Solvabilité II et de Bâle 3 n’est pas la même. Globalement, comparé au régime actuel Solvabilité I, le nouveau régime Solvabilité II constitue une avancée réelle, avec une meilleure prise en compte des risques et de leur diversification dans le calcul des exigences prudentielles en capital. C’est pourquoi il est important que cette réforme soit mise en oeuvre sans retard et qu’elle ne soit pas à nouveau reportée, même si elle comporte certaines limites comme la pénalisation de la prise de risques en actions, qui empêche les assureurs de jouer leur rôle contracyclique. Bâle 3 est plus problématique compte tenu de son calendrier d’application trop rapide. On peut notamment s’interroger sur la pertinence macroéconomique du rythme d’alourdissement des exigences en capital des banques en pleine crise économique et financière, alors que l’offre de capital est stagnante.

Dans quelle mesure la profession actuarielle doit-elle s’adapter et évoluer, à court terme, pour faire face aux nouveaux enjeux ?

Denis KESSLER : Dans le monde actuel, marqué par une série de chocs, de sauts et de ruptures, les modèles actuariels classiques paraissent mal équipés. C’est une remise en question considérable pour les actuaires, qui doivent développer de nouveaux modèles rendant mieux compte de ce caractère stochastique et de ces discontinuités. Cela pose toute une série de défis, de même que la modélisation des queues de distribution. Les actuaires doivent par ailleurs mettre leur expertise au service de logiques d’optimisation qui sont devenues incontournables dans la gestion au quotidien des sociétés d’assurances. Assurer la meilleure rentabilité possible du capital tout en minimisant les risques passe par une optimisation des portefeuilles qui repose largement sur les bénéfices de diversification calculés par les actuaires. Les actuaires ont également un rôle important à jouer en termes de conseil au management pour la définition d’une part de l’appétit au risque et d’autre part des tolérances à l’égard des différents types de risques au sein de l’entreprise. Enfin, les actuaires doivent renforcer leurs interactions avec le reste de l’entreprise, et la profession dans son ensemble doit être plus présente dans le débat public. Sur des sujets tels que la réforme des systèmes de retraite, tout le monde gagnerait à ce que le point de vue des actuaires soit plus audible.

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