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Le tourisme industriel, arme de communication

Le tourisme artisanal et industriel concerne près de 5000 entreprises en France.

La Parisien Économie Lundi 01 Juillet 2013

Innovation

Près de 15 millions de visiteurs découvrent chaque année les coulisses de 5000 entreprises. Le tourisme industriel se révèle être un redoutable allié marketing.

La Conserverie La Belle Iloise à Quiberon (Morbihan) reçoit chaque année près de 50 000 visiteurs « grand public ». La centrale hydroélectrique EDF de Bazacle à Toulouse (Haute-Garonne), 100 000 personnes. Et l’usine de l’Occitane à Manosque-en-Provence (Alpes-de-Haute-Provence) près de 14 000 visiteurs… « Le tourisme artisanal et industriel a le vent en poupe », aime ainsi à rappeler Sylvia Pinel, la ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme qui milite depuis sa nomination au gouvernement pour soutenir cette forme de tourisme alternatif. Il concerne près de 5 000 entreprises en France dont 63 % de TPE de moins de 50 salariés et 1 % seulement de grandes entreprises.

« Les entreprises s’adonnent à cette pratique depuis toujours pour leurs clients ou partenaires, explique Cécile Pierre, directrice de l’Agence de développement de la visite d’entreprise (Adeve). Mais cela ne fait qu’une trentaine d’années qu’elles ont compris qu’accueillir des touristes revêtait de nombreux avantages en termes de communication. »

EDF, pionnier en France

En France, le pionnier du tourisme industriel reste EDF qui, dès les années 1970, a utilisé ce levier pour montrer au public comment fonctionne une centrale nucléaire et tenter ainsi de désamorcer les polémiques autour de la sécurité de ses sites. Puis ont suivi nombre de petites ou très grandes entreprises… Comme le groupe LVMH qui a lancé ses Journées Particulières en 2011 qui permettent aux fans de luxe d’assister aux « portes ouvertes » exceptionnelles de plus de 45 sites et ateliers dans toute la France. Mais se prêtent aussi au jeu  Peugeot, les chantiers navals de Saint-Nazaire, les brioches Pasquier, le roquefort Société… Bilan, entre 10 et 15 millions de visiteurs découvrent désormais chaque année les coulisses de la production « made in France » ! « Les secteurs les plus impliqués sont l’alimentaire (35 % des visites d’entreprises), l’artisanat (20 %), l’agriculture et la pêche (11 %) et les vins et spiritueux (10 %) », précise Sylvia Pinel.

« Malgré les contraintes (sécurité, hygiène, perturbation du travail des salariés) qu’implique souvent la mise en place des circuits de visite au sein même des usines, les entreprises qui se lancent ont tout à y gagner, poursuit Cécile Pierre. Certaines PME réalisent jusqu’à 50 % de leur chiffre d’affaires grâce à l’ouverture de boutiques sur leurs lieux de production. C’est pourquoi 50 à 70 % des entreprises qui ouvrent leurs portes au public comptent désormais un point de vente. » Et, dans des secteurs qui peinent parfois à recruter comme dans l’agroalimentaire, l’artisanat ou l’industrie lourde, ces visites permettent de sensibiliser le jeune public à des métiers peu médiatisés. Autre atout pour l’entreprise : après avoir pénétré dans des sites d’ordinaire interdits au public, approché des machines de haute technologie ou aperçu certains secrets de fabrication, les visiteurs sont incités à vanter « hors les murs » son savoir-faire et à réaliser ce que les industriels nomment des « achats reportés », même des mois ou des années après leur venue dans l’usine !

De grandes entreprises…

C’est évidemment à l’assemblage de l’A380 que se pressent les 120 000 visiteurs reçus par Airbus France chaque année sur sa chaîne de production de Toulouse. Mais l’implication de la filiale d’EADS dans le tourisme industriel ne date pas d’hier… « Nous avons, dès les années 1990, organisé des visites de nos usines, c’était notre stratégie de relations publiques, explique Stéphane Defer, directeur de communication d’Airbus. Nous recevions ainsi ingénieurs, visiteurs d’affaires, scolaires et même parfois le grand public. Mais nous gérions alors tout en interne et ce système est devenu problématique dès qu’il a pris de l’ampleur. » L’entreprise décide alors de confier la gestion des visites à Manatour, un tour opérateur spécialisé. Et va jusqu’à intégrer dans la construction de ses chaînes d’assemblage des zones réservées au public. Comme les belvédères panoramiques qui surplombent désormais systématiquement chaque site (A330, A340, A380, et à la rentrée prochaine celui de l’A350) et permettent aux visiteurs d’observer sans déranger le travail des ingénieurs et des ouvriers sur les avions. Depuis le début des années 1990, Airbus a accueilli près de 2 millions de visiteurs (dont 26 % d’étrangers). La visite classique dure environ 1 h 30. Quant au coût de l’opération ? « Le tour opérateur nous reverse des royalties sur les visites qu’il organise, ce qui nous permet de payer les contrôles sécurité et de compenser les investissements faits sur les sites de production », explique Stéphane Defer.

Un label pour les entreprise modèles

La Mie Calîne fabrique l’ensemble de ses produits boulangers dans son usine de Saint-Jean-de-Monts en Vendée. « Dès 1985, André Barreteau, le fondateur de la Mie Câline, boulanger de métier, a tenu à prouver aux consommateurs que son concept de surgélation à -30°C qui permet de conserver les produits et de les transporter pour être cuits dans les points de vente (200 magasins) était une technique révolutionnaire qui garantissait la qualité », explique Carole Legeard en charge des visites du site. Pour expliquer sa technique et couper court aux persiflages qui dénigraient l’esprit d’entreprenariat d’un artisan devenu industriel, le PDG ouvre alors son site de production aux visites grand public et crée même un musée. La Mie Câline reçoit désormais près de 12 000 visiteurs par an, 2 salariés jouent les guides permanents et 3 ouvriers de la ligne de production se prêtent ponctuellement au jeu sur la base du volontariat. Le site de production, qui compte 200 salariés, est ouvert du mardi au jeudi sur réservation au tarif de 4 euros par adulte (3 euros et 2 euros pour les enfants).

Il détient le label Destination Entreprise depuis 2005 et figure désormais parmi les modèles du genre. L’enseigne est notamment engagée dans l’association Visitez nos Entreprises ou encore recensée sur le nouveau site de promotion du tourisme industriel www.entrepriseetdecouverte.fr, lancé en décembre par l’Adeve et le gouvernement.