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CHRISTIAN NOYER

GOUVERNEUR DE LA BANQUE DE FRANCE

L'actuariel 16

Économie Finance Finances publiques

Gouverneur de la Banque de France

2003 :  Gouverneur de la Banque de France

1998-2002 :  Vice-président de la Banque centrale européenne

1993 :  Directeur du Trésor

1980-1982 :  Représentation permanente de la France auprès des Communautés européennes

1974 :  Après des études de droit et Sciences Po Paris, entrée à l’ENA

1950 : Naissance à Soisy-sous-Montmorency

 

Compte tenu du niveau historiquement bas des taux d’intérêt, vous avez demandé en fin d’année aux assureurs de baisser les rendements servis sur les contrats d’assurance-vie. Avez-vous le sentiment d’avoir été suivi et entendu ?

Christian Noyer : Toutes les revalorisations n’ont pas encore été publiées mais, lorsque l’on regarde celles qui ont été annoncées, j’ai le sentiment d’avoir été entendu. La mise en garde que j’ai faite a été comprise et appréciée. Cela a aidé les assureurs à communiquer auprès de leurs clients sur deux points importants. D’abord sur le fait que les rendements des fonds en euros sont appelés à baisser, car les obligations anciennes qui viennent à échéance sont remplacées par des obligations qui rapportent très peu. En effet, toute nouvelle prime reçue par un assureur est investie en titres très peu rémunérateurs, ce qui réduit le rendement moyen potentiel du portefeuille de contrats. Il faut donc que les assureurs prennent soin d’accompagner la baisse des rendements de leurs portefeuilles par une diminution lissée des revalorisations, dans le respect des dispositions contractuelles. Le second point sur lequel nous devons être attentifs, c’est la remontée possible, à terme, des taux obligataires, en espérant qu’elle ne soit pas trop brutale. Une remontée brutale des taux peut faire basculer le portefeuille de placements d’assureurs en moins-values latentes, au moment où les souscripteurs de contrats d’assurance-vie peuvent vouloir racheter massivement leurs anciens contrats pour bénéficier de revalorisations plus importantes sur de nouveaux contrats investis dans de meilleures conditions. C’est pour cela qu’il faut que les assureurs disposent de marges de manœuvre via leurs provisions de participation aux bénéfices. C’est un point en tout cas que les équipes de l’ACPR vont vérifier cette année dans leurs contrôles. Il ne faut pas que les pratiques exposent les assureurs et les assurés à des risques incontrôlés.

L’ACPR vient justement de renforcer la réglementation sur la publicité en faveur de l’assurance-vie. Pour quelle raison ?

Christian Noyer : Nous voulons que ce produit demeure aussi sûr qu’il l’a été jusqu’à présent et que l’information des clients soit complète. Si un assureur décide d’avoir une réserve très faible et donc de fournir des rendements apparemment plus importants mais avec moins de capacité à servir ces rendements dans le futur ou à faire face à une hausse des taux obligataires, il faut que les assurés soient informés que leur contrat sera peut-être plus rentable que d’autres mais aussi plus risqué. Par ailleurs, pour revenir sur les taux de revalorisation, il est rassurant de voir que, sur le marché français, nous avons des taux minimums garantis qui sont bas. Aujourd’hui, 80 % des contrats ont des taux minimums garantis inférieurs à 1,2 %. Ce qui n’est pas du tout le cas en Allemagne ou au Japon, où le taux minimum garanti est supérieur à 3 %. Il est clair que nos contrats permettent de s’ajuster plus facilement aux conditions du marché. S’il y a eu des mesures prises en Allemagne et au Japon, c’est parce que ces pays avaient un vrai risque d’incapacité à honorer le contrat. Nous n’avons pas ce risque en France car nous avons été très prudents.

Structurellement, sommes-nous dans une période de taux bas ?

Christian Noyer : Pour revenir à des taux d’inflation les plus proches possible de la cible de la BCE, qui est de 2 %, nous avons adopté une politique monétaire très accommodante qui comprend plusieurs volets : des taux d’intérêt à court terme proches de 0, et une indication clairement donnée aux marchés que nous allons garder ce taux pour longtemps ; l’allocation illimitée de liquidités au secteur bancaire ; des opérations de refinancement à quatre ans à des taux fixes qui sont presque à 0 et, enfin, des programmes d’achats d’actifs qui vont être engagés en mars et durer jusqu’en septembre 2016 et qui seront en tout cas réalisés jusqu’à un ajustement durable de l’évolution de l’inflation conforme à la cible de 2 % à moyen terme. Ces achats porteront sur des actifs de long terme. Cela conduit à penser que la courbe des taux va demeurer basse, plate pendant une période assez longue, au moins deux ans et peut-être davantage. Donc, pendant cette période, tous les actifs de type obligataire, les actifs de taux qui seront acquis par les investisseurs institutionnels, notamment les assureurs, vont l’être à des taux très bas. Cela doit être pris en compte dans la séquence des rendements projetés par les assureurs. Même les taux des obligations d’entreprise sont très fortement influencés. De même, les spreads entre souverains ont été fortement réduits.

Les taux bas sont-ils une chance pour la France ?

Christian Noyer :Une politique de taux bas et une politique monétaire accommodante ont pour objectif de favoriser la reprise de la demande pour permettre à l’économie de se redresser plus vite, en favorisant la consommation plutôt que l’épargne (des particuliers et des entreprises) et l’investissement plus que les placements purement financiers. C’est une bonne nouvelle pour la reprise économique, complémentaire des mesures prises par les gouvernements. Cela va orienter les placements vers des actifs un peu plus risqués, tels que les fonds en unités de compte ou les nouveaux contrats euro-croissance, et drainer l’épargne vers les fonds propres des entreprises.

Quand ces effets vertueux vont-ils se manifester ?

Christian Noyer : En général, une politique monétaire a des effets au bout de dix-huit mois. Nos prévisions pour le premier trimestre 2015 sont bien meilleures que la moyenne de ce que nous avons observé l’année dernière, notamment grâce à l’effet de la baisse des prix du pétrole et des matières premières ainsi qu’au réajustement des taux de change. Donc je suis optimiste, d’autant plus que cette politique monétaire agressive est soutenue par la politique économique. Parmi les réformes structurelles qui ont été engagées, la loi Macron est un exemple intéressant. Cet ensemble de mesures va dans la bonne direction. Même si elles sont insuffisantes – la France doit pouvoir faire mieux –, c’est un premier pas qui est important.

La baisse de l’euro est-elle une bonne nouvelle à terme ?

Christian Noyer : La fluctuation des monnaies est de règle dans un système de change flexible comme le nôtre. Selon la charte du FMI, le taux de change doit pouvoir varier en fonction des cycles économiques et des conditions conjoncturelles, qui sont différentes entre les grandes zones économiques. Si l’euro monte à un moment donné, c’est parce que la conjoncture est plus favorable en Europe et, lorsqu’elle est plus faible que celle des États-Unis, du Japon ou de la Grande-Bretagne, il est normal que l’euro fléchisse. Cette baisse est une bonne nouvelle parce que cela montre que la flexibilité du marché des changes – qui aide au redémarrage des économies – fonctionne bien. Mais l’euro reste une monnaie solide car la Banque centrale européenne a un corps de doctrine très clair, une cible de stabilité des prix qu’elle respecte depuis quinze ans et qu’elle continuera à respecter. C’est une monnaie qui ne se dévalorisera pas et qui reste assise sur une économie développée et de bonne qualité. L’euro ne va pas se déprécier indéfiniment.

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